Le PDG d’EDF, Jean-Bernard Levy, a lancé au premier semestre de cette année sans doute son projet le plus impactant pour sa structure. Il l’a d’ailleurs présenté fin juin à un parterre de journaliste … où était votre serviteur.
Après 30 ans de régulation européenne – on entend souvent le terme de dérégulation, il est impropre, la régulation n’a jamais été aussi structurante – le groupe EDF a lentement mais sûrement été profondément modifié. Ces modifications se sont mises en place avec les 3 Directives successives (le 4ème vient de sortir !) et ont conduit à la situation qu’on connait aujourd’hui avec une Groupe EDF qui n’a plus rien d’un Electricien intégré et dont le résultat pour le consommateur n’est pas vraiment au rendez-vous.
Avec Hercule, le Groupe EDF souhaite donc adapter son organisation à la situation tant de marché que régulatoire. Sur le marché, EDF a élargi son offre de service (DALKIA, EDF EN, etc…) mais a vu s’affaiblir ses positions sur son marché historique, la fourniture d’électricité. Concernant la régulation, EDF a été fortement contraint par ce qu’on a longtemps appelé les « griefs de Bruxelles » (limitation de la durée des contrats B2B, construction des prix,etc…) et par la régulation nationale sur le nucléaire avec l’ARENH ou sur le tarif avec feu le TaRTAM (pour les connaisseurs 😉 ).
Hercule doit donc permettre de lâcher la bride sur certains de ces aspects, principalement l’ARENH – l’Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique.
En effet, EDF part du principe qu’en « sanctuarisant » le nucléaire dans un ensemble nationalisé, les conditions de la suppression de l’ARENH seront acquises. Le calcul est crédible mais le prix à payer est bien trop élevé.
En effet, sanctuariser le nucléaire comme le propose EDF (et comme le réclame a priori Matignon) peut s’entendre mais le faire avec une ouverture renforcée du capital d’activités essentielles comme la distribution de l’électricité avec Enedis ou par le probable démantèlement de EDF R&D est presque criminel vis à vis des intérêts du pays.
Le système électrique français est encore aujourd’hui l’un des sinon le plus performant au monde. Il permet de disposer d’une électricité toujours disponible, à un prix très compétitif et avec un bilan carbone parmi les plus vertueux sur la planète. Ce niveau de performance est principalement lié aux activités de productions nucléaire et hydraulique, à la performance de l’acheminement avec RTE et Enedis et enfin une R&D qui nous prépare aux enjeux de demain. On peut également évoquer les conclusions répétées du médiateur de l’énergie qui dénoncent régulièrement les pratiques commerciales très « limites » des concurrents d’EDF.
Souhaitons donc que le gouvernement explique à Jean Bernard Levy que le projet Hercule qu’il a concocté avec je ne sais quels conseils en stratégie et avec deux pilotes du projets (stratégique et opérationnel) issus de Sciences Po Paris et de HEC est contraire aux intérêts du pays.