Deux dirigeants expérimentés ont pris la plume pour nous dire, le Monde du 17 mai 2019, « qu’il n’y a pas de souveraineté économique et technologique européenne sans stratégie industrielle forte ».
Ces deux dirigeants, Jean Pierre Clamadieu et Philippe Varin, commencent leur démonstration par l’évocation des ambitions des Etats-Unis avec le programme America First et de la Chine avec son pendant China 2025.
Ces deux programmes ont en autres priorités de prendre le maximum de pouvoir sur les sujets technologiques et industriels. Les moyens sont très différents mais l’ambition est la même.
Et parmi les sujets très investis par ces deux puissances, on trouve les réseaux électriques. La Chine est très ambitieuse sur la Très Haute Tension (1 million de Volt en courant alternatif !) et les américains plutôt sur les réseaux intelligents et tout ce qui participe à la numérisation du système électrique.
Nos deux auteurs pointent la nécessité d’une ambition par filière avec l’objectif d’avoir des champions européens capables de rivaliser avec les Chinois et les Américains.
Revenons maintenant à ce que Jean Bernard Levy s’apprête à proposer au gouvernement. Si l’on en croit les différents articles de la presse économique, il n’y a aucune ambition industrielle sur les réseaux électriques. Or la France dispose avec Enedis et RTE de compétences et d’expériences majeures. Les réseaux électriques sont en pleine mutation avec l’arrivée du numérique, mais aussi avec le développement des énergies renouvelables. En effet, la production photovoltaïque et la production éolienne – dont la puissance installée est de plus de 50 GW soit presque autant que le nucléaire – imposent de la part des gestionnaires de réseaux électriques une gestion « temps réel » apte à gérer l’intermittence et l’imprévisibilité de ces productions renouvelables.
C’est cette gestion « temps réel » à tous les « étages » du réseau électrique national (et pour partie européen) qui est en tant que tel un sujet technologique et industriel.
Or, rien dans ce qui a été dévoilé par les journalistes spécialisés sur la nouvelle organisation ne laisse apparaître une quelconque volonté de développer cette filière.
Pire, RTE et Enedis semblent n’être considérées que comme de la monnaie d’échange pour permettre de remonter du « cash ».
Cela nous attriste et nous inquiète.
Ça nous attriste car il y a des développements passionnants pour les jeunes ingénieurs innovants et soucieux du service au public et ça nous inquiète parce que, lorsque nous ne serons plus sur le « haut du panier », faute d’ambitions technologiques et industrielles, il n’y aura plus que les Américains et les Chinois pour nous bâtir les réseaux électriques de demain.
Allez monsieur Levy, laissez les réseaux développer leurs ambitions et les salariés les mettre en œuvre.